La Biovallée de la Drôme

La Biovallée de la Drôme source d’inspiration pour l’aménagement du Val de Durance ?

 

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Géographie

La Drôme est une rivière des Alpes du sud se jetant dans le Rhône. Elle mesure 110 km de longueur après avoir pris sa source à une altitude 1250m. Son débit moyen à Saillans est de 17,7 m3/s avec un étiage de 4, 14m3/s. Le 3 décembre 2003 on enregistrait pour sa crue la plus haute un débit de 692 m3/s. Elle ressemble, en plus petit, à la Durance et donne un paysage voisin, un chenal large et peu profond, à bras multiples, mal fixé sur des galets calcaires et encombré de bancs sableux. Le bassin versant occupe une surface de près de 2000km2 avec une population de 50 000 habitants.

Origine du projet

Cette rivière, sans barrage aujourd’hui, était polluée et délaissée jusque dans les années 70 où un travail de restauration est entrepris amenant les communes à collaborer et former un projet sur le long terme. Partout aujourd’hui on peut se baigner dans la Drôme. «  C’est bien l’eau et la gestion de la rivière Drôme qui a conduit les acteurs institutionnels à travailler ensemble, pour la première fois, à l'échelle de la vallée, et a facilité la construction de la coopération entre intercommunalités bien au-delà. » (1) En Val de Drôme les élus construisent en effet l’identité territoriale autour de la rivière. L’intercommunalité du Val de Drôme (CCVD) qui regroupe trente communes dans la partie aval du cours de la rivière, va pendant près de trente ans, piloter l’aménagement et la gestion de la rivière. Elle initie puis met en œuvre deux contrats de rivière ainsi que le premier SAGE de France en 1997. Cependant ce point d’entrée dans une politique commune dans la vallée n’est pas le seul ; la dynamique de l’agriculture biologique s’appuyant sur un nombre important de néo-ruraux permet d’élargir le champ de l’action écologique relayée par l’intercommunalité du Diois (CCD) -50 communes sur la partie amont de la rivière- entre 1985 et 2000. Là, une production biologique limitée, de niche, ouvre progressivement à une vision plus large du développement.

Naissance de la Biovallée

En 2002 la marque Biovallée est déposée par la CCVD. De son côté la CCD crée le Pôle d’Excellence Rurale Biovallée (2004-2007). La Région à son tour met au nombre de ses grands projets la Biovallée (2009). Ces repères institutionnels ne disent cependant pas suffisamment le rôle important  des initiatives locales de terrain (entrepreneurs privés, associations).

Parti de la gestion de l’eau et d’une agriculture biologique  minoritaire sur le territoire, le projet Biovallée en vient à vouloir structurer un projet de développement durable avec ses composantes économiques et sociales (un « design territorial »).  Dans ce contexte les communautés de communes (CCVD, CCD puis Communauté Crestoise et Pays de Saillans)  se trouvent porteuses de projets en sollicitant les financements de la Région, du Département, de l’Etat, et de l’Europe tout en étant attentives aux initiatives et expériences locales dans une démarche qu’on veut pragmatique.

Adaptation et évolution du projet

En 2012 l’association Biovallée (dans laquelle on retrouve les acteurs publics, des entreprises et associations du territoire à parité) est créée pour essayer de prolonger cette vision. L’article de référence souligne la difficulté de devoir « se réinventer sans arrêt ». On donne l’exemple suivant d’un changement dans l’énoncé des priorités ; la difficulté de s’appuyer sur le développement d’une agriculture biologique toujours contestée par la chambre d’agriculture et les agriculteurs conventionnels oblige à réorienter le propos sur l’énergie comme réalité fédératrice. Devenir un territoire à énergie positive devient le but à atteindre.

Arrivés à la fin de la période de 5 ans devant structurer le GPRA (Grand Projet régional Rhône Alpes initié en 2009) différents acteurs prennent leur distance avec le projet. La Communauté de communes du pays diois craint pour son indépendance et se met en retrait tandis que la Communauté de communes du Val de Drôme confirme son engagement et ce particulièrement dans l’agriculture biologique. Les acteurs institutionnels ont des politiques plus opportunistes soutenant ici et là des actions.  L’association Biovallée, gérée de plus en plus par des acteurs de la société civile,  joue alors un rôle important dans l’animation territoriale à l’échelle de la vallée « en faveur d’un développement économique humain et durable ». Face aux incertitudes sur la volonté des élus de poursuivre le projet « Biovallée » et sur les financements, l’association des acteurs de Biovallée cherche à re-fédérer les acteurs publics, associatifs et économiques autour d’un nouveau projet de développement à l’échelle de la vallée, via une candidature à un appel à projet national sur les « territoires innovants de grande ambition ». C’est alors l’engagement associatif et citoyen qui se substitue en partie aux institutions pour affirmer la nécessité d’une « entrée en transition » .

L’étude nous montre comment des combats particuliers (la restauration de la rivière, la défense de l’agriculture biologique) ont pu servir de levier à un projet de développement humain et durable bien plus large sur tout un bassin versant. On peut regretter que les auteurs n’aient pas pu aborder les dimensions politiques de ces engagements. Dans quelle mesure ont-ils pu encourager ou mettre des obstacles au projet de la biovallée ? De même rien ne dit clairement le rôle des services de l’Etat et de la Région et du Département pourtant chaque fois concernés (et impliqués ?) dans les réalisations.  On devine aussi le jeu complexe entre la société civile, la continuité de certains combats menés depuis les années 70 et les dynamiques institutionnelles. Les études consultées sur le net ne permettent pas de tirer des leçons précises en l’absence de la description des stratégies des différents acteurs.

L’association Biovallée

Il est intéressant de prendre connaissance des statuts de l’association Biovallée. Celle-ci est moins une structure porteuse de projets qu’un outil de promotion des idées et des politiques locales à travers la diffusion d’une Charte ouvrant au bénéfice d’un label (et à ses avantages ?). Les activités de sensibilisation, d’éducation et d’expertise y tiennent une place essentielle.

« Cette association a pour objet, dans le respect d’objectifs d’intérêt général économique et d’aménagement du territoire, d’assurer la gestion et l'animation de la promotion de la Charte et de la Marque «BIOVALLEE®» déposée à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), sur laquelle elle dispose d’une concession de l’ensemble des droits d’exploitation par la Communauté de Communes du VAL DE DRÔME (CCVD) par convention signée le 24 juillet 2012 »

On remarquera que l’association garde cependant l’ambition d’aider au projet de « développement économique humain et durable » sur un périmètre élargi ; « L’association peut intervenir directement : sur un territoire composé des périmètres approuvés des Communautés de Communes ayant été signataires avec la Région RHONE-ALPES du contrat Grand Projet RHÔNE-ALPES « BIOVALLEEE » sur la période 2009-2014 »

Enfin, pour aller vite on notera la volonté de rassembler les acteurs économiques, les acteurs institutionnels et la société civile sur un pied d’égalité :

« 5.2.2/ Collèges Les Assemblées Générales des ADHERENTS à voix délibérative sont regroupés en 3 collèges représentés à parité dans le CA : • ACTEURS ECONOMIQUES : entreprises, auto-entrepreneurs, micro-activités, … y compris les organismes de formation • ACTEURS ASSOCIATIFS : ayant une vocation autre qu’économique (lien social, enjeux environnementaux, et tout autre objet … • ACTEURS INSTITUTIONNELS : regroupant les trois intercommunalités fondatrices, les autres collectivités et institutions » Il semble qu’un quatrième collège ait été ajouté depuis la rédaction de ces statuts, celui des simples habitants.

On trouvera le contenu de la charte et ses modalités d’application sur le site.

Elle apparaît ici comme une méthode d’évaluation des bonnes conduites sociales et écologiques pour obtenir le label Biovallée sans donner d’indication sur des financements ouverts ou les méthodes de promotion qui y seraient attachées. L’engagement institutionnel est tout de même présent au niveau de la CCVD. Celle-ci revendique clairement la poursuite du projet en apposant la mention « en Biovallée » à son logo en 2014 et devient ainsi « Communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée ».

Les résultats de ces années de réflexion, de débats et d’aménagement sont, en tout état de cause, dignes de retenir l’attention. On pourra trouver un bilan détaillé de l’action menée entre 2009 et 2014 dans le PROTOCOLE GRAND PROJET RHONE ALPES BIOVALLEE  BILAN AU 9 JUILLET 2014 sur le site.

Un résumé de cette activité  et des projets peut être trouvée dans le livret en ligne Mairie-Conseils, « Énergie, tourisme durable  9 territoires en transition  Expériences et enseignements » publié par l’Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL)-dépendant de la Caisse des dépôts- Ce texte refait avec plus de détails l’histoire de la Biovallée. (https://unadel.org/wp-content/uploads/2016/07/LIVRET-ET-FINAL-WEB.pdf

« Grâce au Grand Projet Rhône-Alpes (GPRA), entre 2009 et 2014, la Biovallée a bénéficié ainsi d’une dotation régionale de 10 millions d’euros qui va permettre l’émergence et le financement sur la période, de quelque 191 projets, et de l’ordre de 45 millions d’euros induits dans ces réalisations. Un projet ambitieux, fruit d’une réflexion prospective intitulée « Biovallée 2040 », donne au territoire des objectifs ambitieux : • Développer une filière de plantes aromatiques et médicinales et diffuser l’agriculture biologique (atteindre 50 % d’agriculteurs certifiés en AB) [actuellement l’agriculture biologique représente 32% de la production en Val de Drôme] • Développer fortement les écoactivités (création de dix écoparcs d’activités). • D i v i s e r p a r d e u x l a consommation énergétique du territoire et viser l’autonomie par le développement des énergies renouvelables. Un premier programme vise une baisse de la facture énergétique de 20% et la multiplication par quatre de la production d’énergie renouvelable afin qu’elle atteigne une part de 25 % de la consommation en 2020. • Diviser par deux le volume de déchets acheminés vers les centres de traitement. • Ne plus consommer de sols agricoles pour l’urbanisation, à partir de 2020 (inscription documents d’urbanisme). • Réaliser un réseau de quinze éco-quartiers ruraux. • Valoriser 10 % de l’épargne locale, • Développer des formations de haut niveau dans le domaine du développement durable, passer les partenariats formation et recherche liés au développement durable de dix en 2012 à vingt-cinq en 2020.

En travaillant à un développement cohérent mettant en avant les économies d’énergie, le soucis de protection environnemental, les aides sociales à la transition, la formation des métiers impliqués dans cette mutation, la recherche et l’échange des savoirs la Biovallée mérite qu’on s’y intéresse particulièrement au moment où s’impose le besoin d’une économie solidaire et économe protectrice de la biodiversité.  

 

(1)Cette citation et les informations qui suivent trouvent leur source dans Sophie Madelrieux1*, François Kockmann2 et Hugues Vernier3 « Des situations agricoles pour penser le design en agronomie ; Histoire du grand projet « Biovallée » à travers celle de l’agriculture biologique et relecture par le design territorial »  Revue AE&S (Agronomie Environnement et Société) vol.8, n°2,16 décembre 2018 : Agronomie et design territorial